RDC: Sans ressources, les provinces à l'épreuve du développement

RDC: Sans ressources, les provinces à l'épreuve du développement

Le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL) constate le faible taux d'exécution des charges transférées aux provinces sur la période de Janvier-Février 2024. 

Pour CREFDL, les données du ministère du Budget des états de suivi budgétaire à fin février 2024, démontrent une situation préoccupante. En effet, en analysant ces états de suivi budgétaire (ESB) des fonds transférés en provinces par le Gouvernement central de janvier à fin février 2024, il se dégage ce qui suit :

 - 480 834 416 580 FC  ont été payés sur les prévisions linéaires de 1 237 683 547 765 FC, soit un taux d’exécution très faible de 38,85% ;

-Le montant non payé s’élève à 756 849 131 185 FC. Ce qui indique une sous consommation estimée à 61,15%, reflétant ainsi un défaut de paiement considérable.

Une gestion déficiente des transferts financiers

D’après l’état de suivi budgétaire, il est inquiétant de constater que seuls les fonds destinés aux rémunérations ont été payés au 12 Mars 2024. Aucun exécutif provincial n'a bénéficié des fonds prévus pour les dépenses d'investissements et de fonctionnement, révélant ainsi une fragilité  des provinces et le non-respect de l’article 175 de la constitution dans le cadre de la retenue à la source de 40% de la rétrocession des recettes d'intérêt commun.

De plus, le fait que seuls les fonds destinés aux rémunérations aient été effectivement versés soulève des doutes sur la performance des régies financières à doter l'Etat des moyens financiers donnant ainsi lieu à des questionnements quant à la capacité du ministère et la sincérité de la loi des finances 2024. Cette situation avait été décriée en 2021 et 2022 où plus de 1000 projets n'ont pas connu  d’exécution.

 Quelles conséquences sur le développement local?

L'inefficacité de la gestion des Finances Publiques et le non-paiement des charges transférées aux provinces ont des conséquences néfastes sur le développement local entre autres : le ralentissement du développement des provinces, la dégradation des services publics, l’augmentation des inégalités régionales, la perte de confiance et mécontentement, l’entrave à la bonne gouvernance et à la transparence.

Indicateurs du sous-développement en milieu rural

Selon le Plan National Stratégique de Développement de la RDC (PNSD) 2019-2023, le taux de chômage est de 63% creusant ainsi un déséquilibre de la vie socio-économique des populations. De plus, le PNSD décrit que ce déséquilibre est dû à la mauvaise gouvernance macroéconomique et sectorielle car la majorité des dépenses publiques sont affectées à la consommation (résidences, véhicules, loisirs) plutôt qu’à des investissements productifs dans l’agriculture, l’industrie et les infrastructures évalués à seulement 30%, contre 70% destinés à la consommation.

Le rapport sur le climat et le développement du pays publié en 2023 par la Banque Mondiale renseigne qu’en 2022 le taux de pauvreté en milieu rural était de 63% classant ainsi le pays à la 178ème position sur 182 dans l’Indice Mondial d’Adaptation (IMA). En effet, selon la Banque Mondiale trois facteurs socio-économiques contribuent à l’augmentation du taux de pauvreté en RDC, plus précisément en province. Il s’agit notamment de :

-l’accès limité à l’assainissement, à l’eau potable (selon l'Office National d'Hydraulique Rurale le taux de desserte en eau en milieu rural est inférieur à 12%) et à l’électricité avec un taux d’électrification de l’ordre de 20% dans le milieu rural selon l’Agence Nationale de l’Electrification et des Services Energétiques en milieux Rural et périurbain (ANSER) ;

-la qualité insatisfaisante des logements;

-la connectivité déficiente des transports.

Que faire pour remédier à cette situation

Pour remédier à ce problème de sincérité budgétaire, plusieurs mesures peuvent être mises en œuvre notamment : le renforcement de la planification budgétaire, la transparence et responsabilité accrues des institutions, le renforcement des capacités en matière de planification, de suivi et de contrôle financier, le renforcement de la coordination intergouvernementale, l'exécution des mesures fiscales enfin la mise en application des mesures de lutte contre la corruption. 

 

En somme, le CREFDL propose que des mesures correctives soient prises rapidement afin d'assurer une bonne exécution des dépenses publiques et répondre aux besoins des provinces en matière d'investissements et de fonctionnement. Le respect de la loi relative aux finances publiques (LOFIP) s'avère nécessaire pour promouvoir la transparence, restaurer la confiance des citoyens et garantir un développement local durable tant bien même que cette réforme s’avère un processus complexe qui requiert des efforts concertés à long terme. Cela nécessite un engagement politique fort, une volonté de réforme et une participation active de la société civile pour assurer une gestion responsable des ressources publiques et garantir une allocation équitable et efficace des ressources aux provinces.

 

Gradi Mompalonga et Christelle Nsimba